Envie de couleurs, de lumière et d’émerveillements ? Filez au musée Matisse, au Cateau-Cambrésis, qui vient de rouvrir ses portes après son extension et sa réorganisation. Là, au milieu d’une campagne émeraude, c’est un véritable bain de couleurs qui vous attend. Matisse y déploie ses somptueuses couleurs, aussi chatoyantes que les tissus fabriqués naguère sur place. Herbin y marie teintes éclatantes et formes géométriques. La donation Tériade y apporte un peu de la lumière du sud. Autant de raisons de redécouvrir le musée Matisse…
Depuis 2002, la collection du musée Matisse s’est enrichie de près de 400 œuvres. Il devenait donc urgent de pousser les murs pour exposer toutes ces richesses. Et quand je dis pousser les murs, ce n’est pas juste une image.
1. Parce que le musée a gagné 1000 mètres carrés !
Installé à l’origine à l’hôtel de ville, le musée Matisse a été transféré en 1982 au Palais Fénelon, ancienne résidence secondaire des archevêques de Cambrai, avant un rachat par le Département et un premier agrandissement en 2002.
Mais depuis 2002, la collection du musée s’est enrichie de près de 400 œuvres, à la fois de Matisse, Herbin mais aussi d’autres artistes contemporains ayant travaillé sur l’œuvre de Matisse.
Il devenait donc urgent de pousser les murs pour exposer toutes ces richesses. Et quand je dis pousser les murs, ce n’est pas juste une image. En effet, c’est sur l’ancien marché couvert, situé juste à côté, que le musée a gagné les mètres carrés manquants.
Plus de 1000 m2 pour offrir à Matisse l’ampleur internationale qu’il mérite, derrière une belle façade de brique préservée par l’architecte Bernard Desmoulin.
On entre toujours par le hall (remanié) du Palais Fénelon mais on se balade ensuite entre l’extension et le bâtiment ancien, sans vraiment s’en rendre compte, comme dans un vaste labyrinthe.
L’ex-marché accueille le début du parcours d’exposition, entre l’introduction, les années de formation, le cabinet des dessins et la partie sur le dessin et la gravure.
Le niveau supérieur, accessible par un escalier ou un ascenseur, comporte la suite du parcours, entre le retour au Cateau, les débuts dans le sud, les dos sculptés, le voyage à Tahiti, les années 40, les papiers découpés…
2. Parce que le musée présente la collection personnelle de Matisse
Quatre-vingt-deux œuvres, de la jeunesse à la maturité, voilà l’immense cadeau fait par Henri Matisse à sa ville de naissance. Nous sommes en 1952, deux ans avant la mort du peintre, qui vit à Nice. Très malade, il doit sentir que le moment est venu d’envisager « l’après » et offre donc au Cateau sa collection personnelle.
Ces œuvres, qui l’ont suivi toute sa vie, constituent la base du musée. Mais d’autres œuvres ont ensuite été offertes par sa famille et il a fallu repenser le parcours permanent pour présenter au mieux les cent cinquante œuvres de Matisse que le musée possède aujourd’hui.
3. Parce que le musée montre que Matisse est une véritable boule à facettes !
J’ai longtemps pensé qu’Henri Matisse était un peintre… et rien que cela. Erreur, terrible erreur ! L’homme du Nord, véritable boule à facettes, a en effet touché à bien d’autres domaines, laissant derrière lui une œuvre riche et protéiforme.
La preuve avec ces sculptures, dessins, maquettes de vitraux, livres illustrés, également légués au Cateau.
Considérant la gravure et l’estampe comme aussi importantes que la peinture, Matisse s’est également montré productif dans ces disciplines. Il a ainsi exploré de nombreuses techniques entre lithographie, pointe-sèche, eau forte, aquatinte, bois gravé, comme le rappelle bien le nouveau musée.
Si l’artiste nordiste a réalisé 84 œuvres sculptées entre 1894 et 1950, la sculpture est cependant un peu la parente pauvre du nouveau musée. Même si elle bénéficie de sa propre salle, avec une jolie idée : celle de la réédition en plâtre de Madeleine II, qui permet aux visiteurs de toucher. L’idée plaît avant tout aux enfants, qui s’en donnent à cœur joie.
4. Parce que le musée cuvée 2024 propose de jolies nouveautés
J’aime bien, quand je rentre dans une expo, qu’on me fixe le cadre. Qui est l’artiste ? À quoi ressemble-t-il ? Quelles sont les grandes dates de sa vie ? Dans quel monde évoluait-il ?
C’est justement cela qui a été ajouté en guise d’introduction au nouveau musée Matisse et les visiteurs s’y attardent assez longuement. Repères dans le temps, photos, série de citations de l’artiste (excellente idée !)… Il y a de quoi lire et regarder pendant un bon moment en effet…
Le cabinet de dessins du musée Matisse
Parmi les autres nouveautés, un vrai cabinet des dessins, éclairé juste comme il faut pour apprécier des œuvres au trait simple et pur. Il abrite les 64 dessins et gravures offerts par l’artiste lui-même, lors de la création du musée, plus un ensemble d’œuvres qui s’est ajouté au fil des décennies…
La salle du plafond
Autre nouveauté, la salle du plafond, où le spectateur est invité à s’installer sur un sofa au dossier légèrement incliné. Il aura ainsi tout le loisir d’observer l’ancien plafond de la chambre de Matisse, à Nice, sur lequel l’artiste a esquissé le portrait de ses trois petits-enfants. C’était le jour de ses 80 ans et le dessin, réalisé à l’aide d’un fusain accroché à une canne de 2 mètres de long, est un peu maladroit. Mais tellement touchant !
La salle des Dos du musée Matisse
Relooking également de la salle des Dos. Elle présente quatre Dos, qui sont autant d’étapes d’une même sculpture à laquelle Henri Matisse a travaillé pendant 21 ans ! On voit ici les versions originales en plâtre mais également la version en bronze du Dos I (les autres sont au Centre Pompidou). Elles montrent à elles seules combien Matisse tend vers l’épure, jusqu’à transformer cette femme, vue de dos, en une sorte de tronc.
©Dos I Nu de Dos Premier État 1909, Dos II Nu de Dos Deuxième État 1913, Dos III Nu de Dos Troisième État 1916 et Dos IV Nu de Dos Quatrième État 1930. Bas-reliefs, plâtres originaux. Don Famille Matisse, 2004
La chapelle de Vence
À faire également, la visite virtuelle de la chapelle de Vence, décorée par Matisse, rendue possible par le numérique.
Les deux Tahiti réunis au musée Matisse
Le « clou » du spectacle ? Sans doute le « dialogue » entre les grands formats Tahiti I et II, que la hauteur des murs rend encore plus éclatants.
En mars 1930, Matisse embarque pour Tahiti. Il y travaille peu mais y fait en revanche une belle moisson de sensations, émotions et impressions, qui lui serviront dans les années suivantes. Tahiti I et II sont nés de cette inspiration et l’agrandissement du musée Matisse est l’occasion de les accrocher côte à côte.
Si Tahiti II (carton, destiné à la réalisation d’un tapis) fait partie des collections du musée du Cateau, le premier a été prêté par le musée Matisse de Nice.
5. Parce qu’on y prend un bain de couleurs et de lumière
Amoureux fou de la couleur, Matisse est un pionnier du fauvisme, ce qui le rend plutôt facile d’accès. Cette quête de la couleur lui est venue « de l’extérieur, c’est-à-dire de la révélation de la lumière dans la nature ».
©Première Nature morte orange, 1899, huile sur toile. Dépôt du Centre Pompidou Paris, Musée national d’Art moderne/ Centre de Création industrielle, 2002
Pas besoin d’un grand discours pour vous prouver que visiter le musée Matisse, c’est avant tout s’enivrer de couleurs et de lumière.
©Collioure, rue du Soleil, Été 1905, huile sur toile. Acquisition avec le concours du Fonds régional d’Acquisition pour les Musées et du Fonds du Patrimoine, 1996
Académique puis figuratif, Matisse avancera dès lors sur son propre chemin, écoutant ses émotions et les transformant en couleurs. Entretemps, il a découvert le sud, ses intenses lumières et ses teintes éclatantes, captant mieux que personne ces ambiances méridionales. C’est Nice, c’est Collioure, c’est Tahiti ou juste quelques rayons de soleil qui se glissent à travers des volets.
©Intérieur aux barres de soleil, Nice, 22 et 23 octobre 1942, huile sur toile. Acquisition avec le concours du Fonds régional d’acquisition pour les musées, 1995
6. Parce que le musée montre combien l’univers du textile a influencé l’artiste
Si son père était grainetier, Henri Matisse est issu d’une lignée de tisserands. À Saint-Quentin, il prend des cours de dessin à l’école Quentin-de-La-Tour, qui forme au dessin textile. Pas étonnant donc que l’enfant du Cateau ait largement été influencé par cet univers du textile. D’autant que Bohain-en-Vermandois, dont sa famille est issue, est alors un haut-lieu de l’industrie textile de luxe.
Matisse a une vraie passion pour les textiles, les collectionnant au fil de ses voyages et se créant une « blibliothèque de travail ». Il fait du tissu le sujet de nombreuses toiles et utilise couleurs et motifs dans ses œuvres.
J’aime beaucoup ce portrait de jeunes filles, qui semble avoir été peint juste pour faire admirer des robes aux couleurs chatoyantes…
7. Pour l’exposition temporaire inaugurale
Cette première expo du nouveau musée, intitulée « Comment j’ai fait mes livres », met en lumière une facette moins connue du travail de Matisse : l’illustration. Suivant un mouvement prisé au début du XXe siècle, l’artiste a en effet illustré les textes littéraires de grands auteurs (Baudelaire, Ronsard, Mallarmé…), laissant libre cours à sa créativité pour construire un dialogue entre texte et dessin.
L’exposition présente 14 livres, illustrés entre 1932 et 1954, et 4 ouvrages de reproductions de dessins, réalisés entre 1920 et 1954. Matisse utilise diverses techniques (eau-forte, linogravure, lithographie…), ainsi que ses gouaches découpées, et fait de chaque livre une œuvre d’art totale.
À voir notamment, Jazz, le livre illustré le plus connu de Matisse, édité par Tériade, et qui contient vingt compositions en papiers gouachés et découpés, accompagnées d’un texte calligraphié. Jazz qui s’inspire de différents univers, notamment le cirque, les voyages et les contes populaires.
8. Parce que le musée Matisse nous fait découvrir Herbin
Sur sa photo, qui trône en grand à l’entrée de « ses » salles, je ne l’ai pas trouvé trop engageant, ce M. Herbin, l’autre enfant du pays. Et pourtant quelle belle découverte !
Né à Quiévy, village du Cambrésis, Auguste Herbin a, lui aussi, offert une large collection au Cateau, ville de son enfance. Et comme Matisse, il a cherché son chemin, entre courants et techniques.
©Quai du port de Bastia, 1907, huile sur toile. Collection particulière
Finalement, son truc à lui, ce sera l’abstraction géométrique. Il joue avec les couleurs, en les inscrivant dans des formes géométriques. Avec un joli talent pour créer de bluffants effets de profondeur.
©Mal, 1952, huile sur toile. Donation de l’artiste, 1956
Et il invente un langage dans lequel lettres de l’alphabet, couleurs, notes de musique et même émotions sont en lien. Un peu compliqué à expliquer comme cela mais une visite au musée Matisse vous fera comprendre…
©Danseuse Objet monumental n°1, mars 1919, huile sur toile, marouflée sur fond en bois peint
©Réalité spirituelle, 1938, huile sur toile. Donation de l’artiste, 1956
Son chef d’œuvre ? Le vitrail monumental, intitulé Joie, dont le musée présente une réédition, l’original se trouvant toujours dans une école maternelle.
8. Parce qu’il nous ouvre des horizons
avec la donation Tériade
La collection Tériade, c’est l’histoire d’un rapprochement. Celui entre un musée et une femme, Alice Tériade, veuve de l’éditeur d’art d’origine grecque. Souhaitant rassembler en un seul lieu les œuvres offertes à son mari par Picasso, Giacometti, Chagall, Léger, Mirò et d’autres, elle poursuit la chaine de générosité initiée par Matisse. Et fait don de mille merveilles au territoire et à ses habitants.
Ainsi, le musée Matisse présente des livres illustrés par les plus grands maîtres du XXe. Ainsi que des gravures et tout un ensemble d’œuvres ayant appartenu à la collection personnelle des époux Tériade.
Je suis tombée en admiration devant Les Amoureux au bouquet de Chagall, une gouache peinte à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
©Les Amoureux au bouquet, Marc Chagall, 1949, gouache sur papier. Donation Alice Tériade, 2000
J’ai admiré aussi ce Nu avec branche ou Le Roi de carte, deux huiles sur toile signées Fernand Léger, elles aussi propriété des époux Tériade.
©Nu avec branche, Fernand Léger, 1931, huile sur toile. Donation Alice Tériade, 2000
©Le Roi de Carte, Fernand Léger, 1927, huile sur toile. Donation Alice Tériade, 2000
À voir également, la salle à manger qu’Henri Matisse a imaginée et décorée pour la Villa Natacha de ces mêmes époux Tériade. Une autre facette du talent de l’artiste nordiste…
Le musée Matisse en pratique
Musée Matisse
Palais Fénelon
place du Commandant Richez
59360 Le Cateau-Cambrésis
03 59 73 38 00
Entrée 8 €, 6 € réduit, gratuit pour les – 18 ans, les habitants du Cateau, les bénéficiaires des minima sociaux, les personnes en situation de handicap. Gratuit pour tous le 1er dimanche du mois.
Ouvert lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h. Samedi et dimanche de 10h à 18h. Fermé le mardi.
Dernière entrée 30 minutes avant la fermeture du musée.
Fermé les 1er janvier, 1er mai, 1er novembre et 25 décembre.
museematisse.fr
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5 Commentaire(s)
Amoureux inconditionnel des toiles de Matisse, je me réjouis de visiter ce musée. Les couleurs, les lumières de ses peintures invitent tant à la rêverie…
Belle continuation à vous
Gérard D.
Vous avez raison Gérard. De plus, au musée Matisse, il n’y a pas que des Matisse à découvrir !
Bel hommage à Matisse, coup de coeur pour les toiles de Marco Del Re. Les restrictions ont eu pour effet de retirer l’art de notre vie, cet article me rappelle à quel point il est important de s’évader devant des oeuvres.
Oui, la culture est utile et même indispensable dans la vie ! Notamment car « La beauté sauvera le monde »…
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