Pour vous parler du nouveau musée Abby, ouvert depuis fin mars à Courtrai, j’aurais pu piquer quelques bribes du dossier de presse pour vous faire une présentation bien lisse, avec juste ce qu’il faut de phrases hermétiques pour faire chic. Mais je vais plutôt vous dire, avec mes mots, ce que j’ai pensé de ce nouveau haut lieu des arts plastiques, arpenté avec mes neveux Camille et Nicolas, artistes visuels eux aussi. Ils vous donnent, comme moi, leurs œuvres préférées…
Autre endroit du musée Abby, ouvert à tous et assez génial : le Living, qui propose de s’installer dans une œuvre d’art XXL ! C’est le plasticien anversois Rinus Van de Velde qui ouvre le bal, sachant que le lieu sera aménagé différemment tous les ans.
Je vais d’emblée vous avouer une chose, qui ne va sans doute pas faire plaisir à tout le monde. Ce que j’ai le plus aimé au musée d’arts plastiques Abby à Courtrai, c’est le site lui-même et cette ancienne abbaye de Groeninghe magnifiquement restaurée. Quelle beauté que cet ensemble, qui a vécu plusieurs vies, abbaye cistercienne, monastère des Clarisses jusqu’en 1970 et office de tourisme ensuite ! Les architectes Barozzi Veiga et Tab Architects ont fait un travail remarquable, entre brique ancienne et nouveau bâtiment noir ultra moderne, aux airs de mausolée.
Le Café du musée Abby
Que vous aimiez l’art contemporain ou pas, venez au moins passer un moment au Café Abby, qui est aussi, à sa façon, une œuvre d’art…
J’ai adoré ce café tout rouge, installé dans la nouvelle aile contemporaine, où on boit un café, on grignote un sandwich aux falafels ou on brunche le dimanche matin (de 10 h à 14 h 30, il vaut mieux réserver).
Une belle terrasse prolonge le Café Abby, pour un moment de détente au vert, avec vue sur le joli jardin.
Autre endroit du musée Abby, ouvert à tous et assez génial : le Living, qui propose de s’installer dans une œuvre d’art XXL ! C’est le plasticien anversois Rinus Van de Velde qui ouvre le bal, sachant que le lieu sera aménagé différemment tous les ans.
Belle idée en tout cas que ce Living, qui permet de se frotter, au sens propre, à l’art contemporain. Et prouve que le musée Abby est bien ce lieu novateur, ludique et accessible, où l’art s’expose et vit, chacun étant libre de s’emparer à sa manière des œuvres.
Une première expo jusqu’en septembre…
Sinon, j’ai aussi aimé l’ancienne chapelle de l’abbaye cistercienne, devenue salle d’exposition. Une douce lumière, tamisée par des rideaux blancs, l’éclaire. Et, malgré son changement de destination, on y sent encore un petit quelque chose de mystique, comme une aura entourant les créations.
Et pour le reste, notamment l’exposition F**klore, Reinventing Tradition ouverte jusqu’au 14 septembre 2025 ? Euh… disons qu’elle célèbre les coutumes et l’artisanat de Flandre… à sa manière. Chaque artiste propose sa propre approche, décalée, humoristique, limpide, hermétique, bizarroïde ou carrément perchée… Des vidéos, des assemblages, des installations, des huiles sur toile, des maquettes, de la dentelle, de la faïence…
Dans ce nouveau musée Abby, il y aura sans doute des œuvres qui vous laisseront sans voix. D’autres que vous aurez du mal à comprendre. Et d’autres encore qui vous parleront.
Voici nos préférences…
Les choix de Camille
Living, de Rinus Van de Velde (2025)
« Dès l’entrée du musée, on pénètre dans le salon créé spécialement par Rinus Van de Velde, plasticien anversois. Il invite le public à venir passer un temps de détente ou de jeu dans cet espace. Ce qui me plaît beaucoup, ce sont toutes les plantes en carton, qui font écho au mobilier, lui-même en grande partie en carton. C’est une esthétique assez décalée de la récupération, quelque chose d’assez bringuebalant mais qui a beaucoup de charme . On est ici entre des jouets agrandis pour enfants et du design très accessible. J’ai pu profiter de différentes assises, notamment de la méridienne, qui est placée sous une autre œuvre de Van de Velde, qu’on peut regarder, allongé, et qui prône la procrastination. »
À partir de 18 h, le Living devient un Café Abby, où on peut commander des boissons.
Living de Rinus Van de Velde, accessible jusqu’au 6 septembre 2026.
Puzzle Piece, Mohammed Alani (2021)
» J’ai été surprise et séduite par l’œuvre de Mohammed Alani. Comme son titre l’indique, Puzzle Piece, c’est juste une seule pièce de puzzle, à la fois une œuvre très petite, comme un fragment, et qui pourtant occupe une grande place dans cet espace vide. Elle est installée dans l’escalier qui descend vers l’exposition temporaire et est, d’une certaine manière, une première pièce qui introduit cette expo de groupe. Je trouve que c’est assez poétique parce qu’elle demande de prêter attention. Et comme tout est vide et blanc, elle saute aux yeux, alors qu’elle est minuscule. Elle est comme perdue et représente en même temps le tout, qui est manquant. Je trouve cela assez beau. »
Les choix de Nicolas
If We Share The Footprint, Will You Share The Painting Too ?
Charlie De Voet (2023)
« J’ai choisi cette œuvre de petite taille parce que j’aime beaucoup l’humour qui s’en dégage et l’effet de trompe l’œil de ces tranches de charcuterie. Pour moi, c’est une œuvre poétique, avec plusieurs sens. Peut-être dénonce-t-elle les gens qui n’arrivent pas à arrêter de manger de la viande. L’œuvre est aussi rigolote, dans le sens où elle peut figurer des semelles de chaussures, comme étant de vieux steaks. C’est un jeu visuel sur les empreintes de pieds mais aussi l’empreinte qu’on laisse. Tout cela est très belge ! »
Sans Titre de Tinus Vermeersch (2019)
et Carrelages historiques, anonyme, des XVIIe et XVIIe
« J’ai aussi aimé l’œuvre constituée de carreaux récents (à gauche), présentés en regard de carreaux anciens. J’apprécie ces très belles saynètes dans de tout petits formats. Et je trouve aussi amusant le fait que des artistes reprennent des motifs qui datent des siècles passés, faisant des dessins dans le même style. On peut exprimer des choses similaires à plusieurs siècles d’intervalle ».
Les choix de Plus au nord
Wij Waken (2025) et Koekenkar (2020), Ignace Cami
« Ce chariot à biscuits a tout de suite tapé dans l’œil de la gourmande que je suis ! En fait, l’œuvre est en deux parties. D’une part Wij Waken, une planche à biscuits en bois de poirier, gravée de motifs et accrochée au mur, comme un tableau. D’autre part Koekenkar, un chariot qui présente le biscuit type spéculoos, réalisé avec cette planche à biscuits par des boulangers de Courtrai. Une œuvre d’art à savourer 😋 et pas seulement avec les yeux, j’adore ! »
Vlaamse Blokfluiten 2, Dennis Tyfus (2021)
« Une série d’écrans, posés dans la très belle chapelle de l’ancienne abbaye cistercienne. Une douce lumière, arrivant de fenêtres voilées, qui les éclaire. Et un air de flûte, une sonate de Georg Friedrich Hændel, jouée par deux femmes, qui revient encore et encore. J’ai bien aimé cette œuvre de Dennis Tyfus, qui met en scène une mère et sa fille, essayant de surmonter un deuil, celui du sculpteur Bernd Lohaus. Que faut-il en retenir ? Leur air de flûte à bec imparfait ? La projection non synchronisée de la vidéo, sans doute voulue par l’artiste pour créer un sentiment de dysharmonie et de malaise ? Ou l’allusion à l’apprentissage de la flûte à bec à l’école, systématique en Flandre. Nul ne sait, seul reste l’obsédant air de flûte… »
Kabinet met Delftse cirkelzagen, Wim Delvoye (2023)
« Dans cette vitrine de style hollandais présentant des scies circulaires, on retrouve tout l’esprit du plasticien flamand Wim Delvoye, un (gros) brin provocateur. Pourquoi a-t-il choisi ces lames de scies circulaires pour y faire figurer des motifs traditionnels de la porcelaine de Delft, entre pittoresques moulins et jolies hollandaises ? La mystification est en tout cas formidablement réussie ! De loin, j’étais sûre qu’il s’agissait d’assiettes, sagement rangées dans ce meuble vitrine. De plus près, elles sont devenues plus menaçantes, avec leurs dents aiguisées, prêtes à broyer le regard du visiteur… »
Mais aussi, au fil du parcours…
@We Document Art
Le musée Abby en pratique
Begijnhofpark (parc du Béguinage), à Courtrai (Kortrijk en flamand).
Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10 h à 18 h et jusqu’à 22 h pour le Café et le Living.
Entrée 12 €, réduit 8 €, 6 € jusqu’à 26 ans et gratuit – 12 ans.
abbykortrijk.be/fr
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