Juste avant l’ouverture au public, j’ai participé à la visite inaugurale d’une douzaine d’expos de Fiesta, à l’invitation de lille3000. Près de deux jours au pas de course dans la Métropole, des centaines d’œuvres découvertes et une vision panoramique de cette nouvelle saison culturelle. Dans cet ensemble XXL de propositions, chacun aura ses préférences. Voici les miennes, mes 12 coups de cœur 100% personnels et subjectifs. Non, le choix n’a pas été facile. Mais j’espère qu’il vous guidera dans cette jungle artistique, riche et protéiforme…
On entre dans la cour de l’Hospice Comtesse et, bim, on s’arrête net. Mais quels sont ces personnages surréalistes qui occupent tout l’espace ? La réponse est à chercher chez Willehad Eilers, artiste allemand, qui a créé cette installation immersive pour lille3000.
1. Puff Out (2025), :mentalKLINIK
À la Gare Saint Sauveur, à Lille
La Fête intérieure !
C’est mon coup de cœur absolu dans cette nouvelle édition de lille3000, mon œuvre préférée dans la douzaine d’expositions passées en revue à Lille et dans la Métropole.
Dans cette expo intitulée La Fête, une expérience intérieure, qui invite les visiteurs dans un tourbillon de joie, ne serait-on pas ici le jour d’après, quand la fiesta fait place à un certain vague à l’âme ? Cette mélancolie des lendemains de fête, lorsque les paillettes jonchent le sol, comme un dernier signe de liesse ?
Telle a été ma première pensée devant l’œuvre de :mentalKLINIK, duo d’artistes originaire d’Istanbul, même si la couleur est omniprésente et joyeuse.
Une petite vingtaine de robots aspirent puis recrachent des paillettes fuchsia, créant ainsi les motifs d’un gigantesque tableau, qui change à chaque seconde.
Est-ce du dessin ? Une installation ? Une performance ? Qu’importe puisqu’on est littéralement happé par ce ballet mi-ménager, mi-artistique !
Jusqu’au 27 juillet 2025.
2. Carnaval sur le Meir à Anvers (vers 1660), Érasmus de Bie
Au Palais des Beaux-Arts, à Lille
Fêtes et célébrations flamandes
J’avoue humblement que je ne connaissais pas le peintre Erasmus De Bie, d’origine anversoise. Et pourtant quelle splendeur que ce Carnaval sur le Meir à Anvers, qui fait partie des vues de fêtes publiques réalisées par l’artiste dans sa ville natale !
Plus que les personnages, notamment ceux à l’avant-plan, prêts pour le Carnaval, j’adore cette représentation du Meir.
Comme elles sont élégantes ces façades à pignon représentées avec minutie dans des teintes ocres, vertes et roses ! Roses comme les nuages qui font la ronde autour du clocher de la cathédrale.
Comme cette riche architecture est joliment sublimée !
Et comme les détails sont soignés ! Pas de doute, on est ici devant l’œuvre d’un vrai maître flamand !
Jusqu’au 31 août 2025.
3. Orb, SpY
À la Vieille Bourse, à Lille
Artiste plutôt mystérieux, SpY propose ici une pièce déjà existante, contrairement aux Golden Monoliths imaginés pour Fiesta de lille3000. Initialement créée pour être placée devant les pyramides d’Égypte, Orb est une sculpture moderne et raffinée détournant des objets du quotidien. À savoir les miroirs convexes de circulation et de surveillance, installés notamment dans les parkings.
Sorte d’ovni posé au milieu du site patrimonial de la Vieille Bourse, Orb ne jure pourtant en rien ici. Mieux, il sublime la beauté de ce bâtiment du XVIIe et démultiplie ses guirlandes et ses ornements grâce à son côté boule à facettes. Magique !
Jusqu’au 9 novembre 2025.
4. Je dois mon imagination aux papillons qui disparaissent dans le sous-bois (2025), Alex Cecchetti
À la Gare Saint Sauveur, à Lille
La Fête intérieure !
La Fête, comme une expérience intérieure ? Une expo lille3000, comme une expérience jubilatoire explorant les phénomènes émotionnels et physiologiques, tout en plongeant au cœur des sensations ?
Alex Cecchetti, artiste franco-italien, a tout bon ! Dans cette installation au titre énigmatique, il engage le corps et l’esprit du visiteur, en lui proposant d’entrer dans une danse qui l’emmène au-delà du monde terrestre. Vêtu d’une jupe peinte à la main avec des teintes naturelles, le visiteur tournoie et tourbillonne sur une musique planante, jusqu’à entrer dans une sorte de transe cosmique. L’art comme expérience quasi chamanique… c’est insolite et ça se tente avec lille3000.
Jusqu’au 27 juillet 2025.
5. The Dancing Plague (2025), Willehad Eilers
Cour de l’Hospice Comtesse, à Lille
On entre dans la cour de l’Hospice Comtesse et, bim, on s’arrête net. Mais quels sont ces personnages surréalistes qui occupent tout l’espace ? Quels sont ces masques grotesques qui nous narguent, tout en continuant leurs (sales) petites affaires ?
La réponse est à chercher chez Willehad Eilers, artiste allemand, qui a créé cette installation immersive dans le cadre de l’exposition The Distorted Party de lille3000.
Monde surréaliste ? Chaos d’aujourd’hui ? Univers absurde et grotesque ? Société aveuglée par ses désirs et ses pulsions ? À chacun sa réponse. Mais toujours avec un arrière-goût de trouble et de malaise, qui colle bien à cette Distorted Party.
Jusqu’au 9 novembre 2025.
6. Le Cortège de noces (vers 1623), Jan Brueghel l’Ancien
Au Palais des Beaux-Arts, à Lille
Fêtes et célébrations flamandes
Un moulin à vent en bois. Un beau ciel moutonnant. De douces collines mais aussi quelques fermes…
Cette scène du cortège de noces pourrait bien se passer dans un village brabançon, près de Bruxelles. Comme le voulait la coutume, la mariée est en noir, les époux portent une couronne, tandis qu’hommes et femmes avancent chacun de leur côté.
Attribuées à Jan Brueghel dit l’Ancien, ces noces campagnardes recèlent à elles seules toute l’âme de la Flandre. Celle des Brueghel père et fils, qui ont excellé à représenter ces paysages champêtres, réalisés avec minutie dans des teintes d’ocre, de vert et de bleu.
Mais ne vous y trompez pas. Les paysages de la peinture flamande sont chimériques, imaginaires, oniriques… plus que réalistes. On est ici mais on n’est nulle part. Et c’est aussi cela qui permet de se projeter et de rêver…
Jusqu’au 31 août 2025.
7. Monsieur Rose, Philippe Katerine
À l’Îlot Comtesse
À cette septième place de mes œuvres préférées de lille3000, j’aurais pu mettre l’installation de Philippe Katerine sur la façade de « La Voix du Nord » (bâtiment où j’ai quand même passé 17 ans de ma vie !). Mais j’ai préféré choisir le spot de l’Îlot Comtesse, dans le Vieux-Lille, où l’artiste un brin déjanté a également installé un Monsieur Rose. Comme ses congénères de la Grand Place, celui-ci s’inscrit dans le courant du mignonisme, né de l’imagination débridée de Philippe Katerine. Monsieur Rose, c’est sa créature, sa chose, qui invite à chercher la beauté cachée des petits riens du quotidien. Rondouillard et tout rose, Monsieur Rose est devenu un emblème de bienveillance et d’optimisme. Et dans la furie de ce monde, ça fait drôlement du bien ! Sans compter qu’ici, à l’Îlot Comtesse, il tranche radicalement avec les belles façades flamandes, les mettant un peu plus encore en valeur.
Jusqu’au 2 juin 2025.
8. Étude pour Amorpha, fugue à deux couleurs
et pour Amorpha, chromatique chaude (1911-1912),
František Kupka
Au Tripostal, à Lille
Pom Pom Pidou
Coup de cœur immédiat pour cette œuvre réalisée en 1911-1912 par l’artiste tchèque František Kupka ! Que vous ne pourrez pas manquer puisqu’elle figure dès l’entrée de l’exposition Pom Pom Pompidou.
En réalisant quelques recherches, j’ai découvert que cette Étude pour Amorpha, fugue à deux couleurs et pour Amorpha, chromatique chaude a été exposée en 1912 au Salon d’automne. František Kupka y présentait alors ses toutes premières œuvres abstraites, totalement non figuratives.
Si, à l’époque, Étude pour Amorpha, fugue à deux couleurs et pour Amorpha, chromatique chaude semblait carrément révolutionnaire, plus d’un siècle après, je la trouve bien harmonieuse et mesurée. Les couleurs, les formes, les superpositions, tout est élégant et équilibré.
Jusqu’au 9 novembre 2025.
9. Diropolis, la cité sans pitié (1985), Hervé Di Rosa
Au Tripostal, à Lille
Pom Pom Pidou
C’est en 2018, lors de son expo à la Piscine de Roubaix, que j’avais eu l’occasion de rencontrer Hervé Di Rosa. J’avais tout de suite accroché avec cet artiste hors des clous, doublé d’un globe-trotter inspiré. J’avais surtout aimé son côté simple, direct et nature. Son rejet d’un art conceptuel et intellectuel. Et sa volonté farouche de produire un art à la portée de tous, nourri par la culture populaire contemporaine.
Ici, dans le cadre de Fiesta de lille3000, voici justement une œuvre entre BD et peinture. Di Rosa joue avec un faux cadre portant l’inscription : Diropolis, la cité sans pitié.
Et en même temps…
Il y propose une vision apocalyptique de la ville et, par extension, de notre monde, en plein chaos, entrain de s’écrouler. C’est angoissant et terrible et en même temps coloré et humoristique. C’est ça que j’aime dans l’œuvre de Di Rosa. Le monde a beau s’écrouler, il garde toujours une bienveillance jamais démentie, un amour des autres et de la vie.
Jusqu’au 9 novembre 2025.
10. Carnaval (1973), Arthur Van Hecke
À la Condition publique, à Roubaix
Les Étoiles refroidissent aussi
Dès que je l’ai vu, présenté dans le cadre de l’exposition du LaM hors les murs, j’ai pensé à Ensor. Je veux bien sûr parler de James Ensor, enfant d’Ostende et lié pour l’éternité à la Ville à la mer.
Et je ne me suis pas trompée puisqu’Arthur Van Hecke s’est en effet inspiré des masques grimaçants du baron ostendais, qu’il s’exerçait à copier dans sa jeunesse.
Mais ici, c’est plutôt le carnaval de Dunkerque que le peintre du Groupe de Roubaix a revisité. Sans parapluies colorés et boas fluo. Mais avec des visages inquiétants et des couleurs rouge sang. Comme l’envers d’un décor joyeux et festif.
Jusqu’au 12 juillet 2025.
11. Jardin cellulaire (2025), Michel Blazy
À la Gare Saint Sauveur, à Lille
La Fête intérieure !
Dans ce Jardin cellulaire installé à la Gare Saint Sauveur, Michel Blazy, un brin savant fou, joue avec d’improbables objets et matériaux. Des cordes, des paillassons, du coton, des éponges, des vis, des bonbons, des pommes de terre, des spaghetti… et j’en passe.
Mais ce que j’ai préféré, ce sont ces valises d’où s’échappent, comme si c’était normal, des avocatiers… Ailleurs, lors d’autres expos, l’artiste avait déjà planté des graines dans des baskets, des appareils photo et même des ordinateurs. Mais ici, il a choisi la valise, cet objet qui ouvre direct (enfin pour moi) la porte au rêve…
Un avocatier dans une valise, comme une œuvre végétale évolutive et poétique. Mais à la fin, n’est-ce pas toujours la plante qui gagne, la nature trouvant à tous les coups le moyen de s’échapper, quel que soit le carcan qui l’emprisonne. Un peu comme l’art, non ?
Jusqu’au 27 juillet 2025.
12. L’Orgue à pets (1996), Gilles Barbier
À la Gare Saint Sauveur, à Lille
La Fête intérieure !
Vous en avez déjà vu, vous, un orgue à pets ? Si la réponse est non, lille3000 vous donne rendez-vous à la Gare Saint-Sauveur pour découvrir cet étrange instrument, sortant du postérieur d’un humain (un musicien ?). Il se déroule sur plusieurs mètres, tel un intestin de verre, flanqué de fioles en forme d’estomacs.
L’homme-musicien en question, c’est Gilles Barbier lui-même, reproduit en cire il y a un bon bout de temps déjà. Sapé comme un prince, participe-t-il à une Fiesta ? Vient-il d’en rentrer chez lui, pouvant enfin se soulager tranquillement ? La scène est déroutante et m’a laissée un long moment bouche-bée. Comme si j’étais, malgré moi, témoin d’une obscénité inattendue.
Artiste à l’humour rabelaisien, Gilles Barbier aime la provocation et le grotesque. Ce qui ne signifie pas que ce très déjanté Orgue à pets n’invite pas à la réflexion… Je vous laisse y songer !
Jusqu’au 27 juillet 2025.
Fiesta de lille3000, c’est aussi…
Évidemment, ces 12 coups de cœur ne brossent qu’une toute petite partie du portrait de Fiesta. Il y a plusieurs expos que je n’ai pas eu le temps de voir mais aussi plein d’autres spectacles, événements et œuvres d’art dans l’espace public… Alors soyez curieux, lancez-vous, découvrez ! Vous avez plusieurs semaines ou plusieurs mois pour cela…
Au Palais des Beaux-Arts de Lille (jusqu’au 9 novembre)
Éclats en Échos, Felice Varini
À l’Espace Le Carré, à Lille (jusqu’au 6 juillet 2025)
Électrorama, Nikita Teryoshin
Au Minorelle, à Marcq-en-Barœul (jusqu’au 22 juin 2025)
Cimarron, Mascarade et Liberté, Charles Fréger
Au Colysée, à Lambersart (jusqu’au 31 août 2025)
Rrirri Tortue (2001), Chiphowka Kowspi
Site avec deux personnages, Jean Dubuffet
À la Condition publique, à Roubaix (jusqu’au 12 juillet)
Un Air de fête (2004), Davide Balula
Reims FRAC Champagne-Ardenne
À la Manufacture, à Roubaix (jusqu’au 17 août)
Ring Sing and Drink for Trespassing, Laure Prouvost
Au Tripostal, à Lille (jusqu’au 9 novembre)
Cosmos (2001), Boris Achour
Le Mannequin (1985), Alain Séchas
À la Gare Saint Sauveur, à Lille (jusqu’au 27 juillet)
Les Amours de Machérie, Marguerite Abouet
Thermal Drift, Rafaël Lozano Hemmer
Môm’ Art, une formidable expo par les enfants des écoles de Lille
Fiesta de lille3000 en pratique
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